Les consommateurs dictent collectivement ce qu’ils attendent des Marques

Interview parue dans l’Atelier de Alexis Mons, directeur général délégué de Emakina, et auteur du Marketing et la communication à l’épreuve des foules intelligentes*.

L’Atelier : Les marques intègrent de plus en plus les consommateurs aux processus de création d’un produit, ou les engagent à devenir de véritables relais. Cela présage-t-il de la mort du marketing tel qu’il est aujourd’hui ?

Alexis Mons :Ce n’est pas la mort du marketing, au contraire ! Mais c’est la mort de la supériorité du marketing, puisque l’on est passé à un marketing qui ne se voit pas. Le travail des marketeurs est d’effacer la distance entre le public et la marque. Avec la prise de pouvoir du consommateur, on assiste à un renversement de la chaîne de valeur.  Grâce à Internet, les individus décident désormais collectivement de faire les choses. Au-delà de leur prise de pouvoir, ce sont eux qui dictent les valeurs d’appréciation des marques. Les plus pertinentes de nos jours ne font plus de promesses du tout et s’attachent essentiellement à cultiver la valeur ressentie et les valeurs d’expérience.

Elles ne font quasiment plus de publicité, ce sont leurs clients qui partagent directement en ligne l’expérience. Ce qui est le but recherché par ces marques, qui veulent créer une résonance entre les valeurs qu’elles souhaitent véhiculer et celles que les consommateurs reconnaissent en elles. En fait, ce qui est en train de mourir c’est le mode déclaratif, c’est-à-dire une marque qui décide d’imposer au monde sa vision de ce qu’elle est. Cela ne marchait que lorsque les consommateurs n’étaient pas connectés entre eux. Alors qu’à l’ère d’Internet la marque fabrique quelque chose d’opposable. Si elle prétend par exemple qu’elle est authentique, le public peut collectivement renvoyer le message qu’elle ne l’est pas.

On innove beaucoup en interne également…

En effet, la marque doit tenir compte des parties prenantes, que sont donc ses clients mais également ses propres collaborateurs. Ces derniers ont une qualité essentielle, c’est qu’ils sont des experts du service vendu au client. C’est donc une bonne idée de travailler leur capacité à produire des idées et à être source d’innovation en eux même. L’entreprise 2.0 était l’application de tout ce qui était collaboratif et web 2.0 dans l’entreprise et essayer de créer des communautés métiers à l’intérieur de l’organisation.

Quelles seront les nouvelles tendances du marketing ?

On assiste depuis de nombreuses années à des entreprises dans lesquelles le marketing est au centre. C’est notamment le cas d’Apple. Alors qu’avant nous étions centrés dans la distribution et les services commerciaux, on se tourne désormais vers le service. On peut prendre l’exemple de Nike qui lance un bracelet connecté, et non pas une paire de chaussure. L’enseigne  propose donc un bracelet qui calcule le nombre de calories dépensées dans la journée. Celui-ci véhicule ainsi la valeur de la marque qui est le dépassement de soi. En outre, sur les réseaux sociaux il est possible de comparer  celui qui a dépensé le plus de calories. On a ainsi un marketing par le service.

En fait, l’on pense à tort que la digitalisation c’est d’avoir un joli site web et une application pour faire du marketing de manière traditionnelle. Les marques qui font réellement de la numérisation digitalisent leur cœur de business sur l’angle d’attaque qui est en phase avec les consommateurs. Et le marketing et la communication ne se limitent plus à l’emballage mais commence à prendre le pouvoir pour designer les produits qui sont vendus aux consommateurs et qui changent l’idée même que l’on se fait des marques. Finalement dans le cas de Nike, on ne sait plus si c’est un vendeur de chaussures, ou un acteur de service à la personne.

*aux éditions fyp