Avis de consommateurs et consommation bio

Elles voient la vie en vert, mais de diverses manières : découvrez les cinq familles de la bioattitude, chacune avec son credo, sa conso et son icône. Laquelle sera la vôtre ?

TRIBU ÉCO-LOGIS – UNE MAISON FAIBLE EN POLLUTION

Dans son aménagement, l’éco-logis répond à des règles immuables, bannissant toute forme de solvant de ses murs, usant de colle à l’amidon de pomme de terre, de peintures et d’enduits en argile, de bois certifié respectueux de nos forêts… Côté déco, la tribu ne dédaigne jamais une chaise à trois pattes abandonnée sur un trottoir : la récup’ est sa religion ; la rue, son église. Philippe s’est ainsi entièrement meublé «poubelle» : «On n’imagine pas ce que les gens peuvent jeter. Des meubles en parfait état, des vêtements à peine portés, des lots de vaisselle et de livres neufs. Les rues parisiennes sont des îles au trésor!» La tribu aime aussi troquer sur internet, courir les ventes d’Emmaüs et les salons spécialisés – très chics -, n’hésitant pas à investir des sommes décoiffantes dans des pièces 100 % recyclées.

Quand elle ne glane pas, la tribu achète du mobilier ultracertifié. Le bambou a tout pour plaire en combinant protection de la planète et assistance aux populations défavorisées. Il fait vivre 2 milliards de personnes dans le monde, pousse deux fois plus vite et produit 30 % d’oxygène supplémentaires par rapport à une essence ordinaire. Entre sa bibliothèque en bambou et ses étagères en bois éco-certifié, la tribu n’hésite pas à acquérir un canapé en carton, des abat-jour en fécule de pomme de terre et à meubler la chambre de son petit dernier de papier mâché.

Dans un éco-logis, une plante n’est pas seulement une rassurante preuve de vie en milieu urbain – comprenez hostile -, elle travaille, elle assainit, elle absorbe et traite dans nos intérieurs ces microparticules indésirables présentes dans les encres, les cires, les peintures, les fumées. Au sommet du top ten des végétaux les plus efficaces caracole le chrysanthème, qui trouve ici une bonne raison de sortir des cimetières. Botanic, la chaîne de jardineries plébiscitée par les jardiniers responsables, a d’ailleurs sélectionné neuf plantes pour leurs actions purifiantes.

Traquer la pollution intérieure, c’est aussi l’un des dadas de Marion Cotillard, porte- parole de Greenpeace depuis près de dix ans et militante active. Elle participe, entre autres, à l’opération « Dépoussiérons l’industrie chimique » en prêtant son appartement aux aspirateurs de Greenpeace, afin de permettre l’étude des substances chimiques présentes dans notre environnement quotidien. Elle a par ailleurs refusé d’être l’égérie d’une célèbre marque de cosmétiques figurant sur la liste noire de l’association.

TRIBU GREEN-TECH – LE LUXE EN VERT ET À TOUT PRIX

La tribu green-tech garde l’œil rivé sur le classement de Greenpeace, « Pour une high-tech responsable », qui évalue les grandes marques en fonction de la consommation énergétique de leurs produits et de leur politique en matière de gestion des déchets. Or, l’écologie est le nouveau combat techno : Samsung lance le premier téléphone mobile solaire, le Blue Earth, un tactile en matériaux retraités avec une batterie solaire d’appoint, Sony présente un ordinateur dont le châssis est pour 20 % composé de CD et de DVD recyclés, LG mise sur la télévision à leds tandis que Sharp développe un écran basse consommation relié à un panneau solaire. La technologie verte est parfois si audacieuse qu’elle se réserve aux gros budgets. On s’adresse donc d’abord à son banquier, équitable s’entend. En France, deux établissements se développent sur le créneau de la finance éthique, la Nef et le Crédit coopératif, dont les produits et formes d’épargne sont solidaires et durables. Idéal pour financer l’achat d’un véhicule propre, même s’il ne s’agit pas de la Tango T600 et de ses 77 000 euros au compteur. Cette voiturette deux places (devant et derrière, comme à moto) 100 % électrique affiche des vitesses de pointe qui lui permettent de figurer en tête des voitures les plus rapides de sa catégorie. Cette citadine aussi courte qu’une Smart et deux fois moins large – un vrai suppositoire ! – dispose en outre d’un atout de charme : George Clooney en est l’ambassadeur. La star a également craqué pour le roadster hybride Tesla Motors, le coupé sport le plus couru à Los Angeles : Dustin Hoffman, Matt Damon et Arnold Schwarzenegger en sont fous.

Lorsque la tribu dispose de ressources exceptionnelles, pour quoi vibre-t-elle ? Pour le WHY, comme Wally Hermès Yachts, le projet aussi mégalomaniaque qu’audacieux du constructeur de bateaux italien et de la marque de luxe française. La chose ressemble à un ovni marin avec ses allures de soucoupe volante, ses 58 mètres de long et 38 mètres de large. Un lieu de luxe ultime alimenté par 900 mètres carrés de panneaux solaires dont le prix, entre 60 et 100 millions d’euros, devrait décourager le commun des mortels. Mais pas le milliardaire green-tech qui, en attendant la commercialisation de cette merveille, dispose déjà du hors-bord solaire MK1 de Czeers, un bolide racé de 10 mètres de long vêtu de carbone, de cuir et de 14 mètres carrés de panneaux solaires, pour… 350 000 euros seulement.

TRIBU CONSOM’ACTRICE – ACHETER MAIS SANS SE VENDRE

Quand la tribu consomme du superflu, passer à la caisse, c’est passer à l’ennemi, se vendre à l’ogre de l’hyperconsommation, à moins de se plier aux principes qui rendent le futile utile. La mode doit répondre à deux nécessités : être élaborée dans une matière biologique – fibres de chanvre, de bambou, de banane, voire d’algues ! – et en accord avec la charte du travail équitable. On traque donc aussi bien le juste label que le bon goût. Ces axiomes sont valables pour les loisirs, jusqu’à la fête que le consom’acteur pratique à toutes fins utiles : il met le cap sur Londres au Club4Climate ou sur Rotterdam au Watt, des clubs énergétiquement autonomes grâce à une piste captant l’énergie produite par les danseurs pour la transformer en électricité.

Interdiction de voyager sans compenser la pollution inhérente aux déplacements. On établit donc son bilan carbone sur internet et l’on s’ac quitte d’un surcoût proportionnel à la longueur de son trajet. Cette somme est alors affectée à des projets de développement d’énergies propres et de reforestation.

Qu’il soit en France ou à l’étranger, le touriste est bien davantage «main à la pâte» qu’«orteils en éventail». Il pratique le congé solidaire, financé par son entreprise ou acheté clés en main à une agence de voyages spécialisée, soucieux d’apporter son aide localement et de protéger la biodiversité. Marie-France et son mari ont tenté l’aventure au Bénin voilà trois ans : «Sur un mois de voyage, trois semaines ont été consacrées à des cours de français à des écoliers. On a donné, c’est vrai, mais aussi tellement reçu!»

Les enfants sont soumis aux mêmes exigences, et donc expédiés en « écolonie » de vacances afin d’y développer une verte conscience. La jeune génération bâtit un four solaire, une cabane en bois ou un igloo, fabrique son papier, bine un potager bio, nettoie une plage… Un vrai programme de scout, l’uniforme en moins, la laïcité en plus ! En Bretagne Sud, l’école Nicolas Hulot a donné le ton et, dans son sillage, d’autres prestataires ont développé leurs séjours responsabilisants. Com me l’association Sous la lune, qui conjugue l’écologique au citoyen en organisant des voyages lointains intergénérationnels, histoire de cimenter par les souvenirs et les beaux gestes les liens parfois distendus entre enfants et grands-parents.

TRIBU HIPPIE-BIO – HUILE DE COUDE ET DE FRITURE

La tribu hippie-bio voue un culte au « fait maison » et aux recettes de grand-mère. Elle fabrique son shampooing avec un zeste de savon neutre, des végétaux, de l’eau distillée et une pincée de sel. Elle transforme ses feuilles A4 bonnes à jeter en papier toilette, grâce à une machine rapportée du Japon, et concocte sa lessive avec de la cendre de bois, riche en potasse, radicale contre la graisse. Concernant sa santé, la tribu a pour religion l’aromathérapie et son avatar animal : la ronronthérapie. Car, selon des études vétérinaires et médicales, les capacités curatives des ronronnements du chat sur lui-même et sur l’homme sont bien réelles. Tout serait affaire de fréquences audio, les basses émises par le matou ayant des propriétés sédatives, relaxantes et anabolisantes… On trouve désormais ses paisibles ronflements gravés sur CD. A Tokyo – toujours à l’avant-garde -, plusieurs Cat Cafés permettent de se détendre autour d’un verre et d’une trentaine de pachas poilus.

Faire partie de cette tribu n’exige qu’un luxe : celui d’avoir le temps. Quand nos aïeules s’extasient encore sur les couches jetables, de plus en plus de mères achètent dans le commerce – le choix est immense ! – des langes et culottes de bébés lavables. Claire ne jure que par ça. «C’est un choix de vie et il suppose d’en accepter les inconvénients. Mais croyez-moi, les avantages sont nombreux, mes enfants ont été propres plus vite que les autres et n’ont connu aucun des désagréments -rougeurs et allergies- rencontrés avec les jetables.»

Comme Claire, Julia Roberts est une convertie au change écologique depuis que ses maternités lui ont inoculé le virus vert. La star a consacré 20 millions de dollars pour transformer sa maison de Malibu en temple green avec énergie solaire et recyclage des eaux usées. En outre, elle milite pour les biocarburants et roule en hybride.

Pour alimenter sa vieille voiture, l’actrice Daryl Hannah recycle quant à elle son huile de friture, et, dans son ranch solaire du Colorado, elle se nourrit des légumes bio de son exploitation.

San Francisco est la Mecque de cette tribu. Là est né le mouvement des compacteurs – Compact France existe depuis deux ans – qui consiste à ne rien acheter de neuf durant une année, hormis pour se nourrir et se laver. Par ailleurs, la municipalité pense à transformer les déjections des 120 000 chiens san-franciscains en gaz méthane, pour la production de chauffage et d’électricité.

TRIBU LOCAVORE – TOUT, TOUT, TOUT À PORTÉE DE MAIN

Il en va de l’écologie comme de toutes choses : le paradoxe n’est jamais loin et l’équitable est si souvent exotique qu’il coûte cher en termes de transport et de pollution. Ainsi sont nés les locavores – terme inventé à San Francisco – qui se nourrissent de produits bio, frais, de saison, issus d’exploitations situées à moins de 200 kilomètres de chez eux. Fervents partenaires de l’Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), ils récupèrent sur un lieu de distribution leur panier hebdomadaire de primeurs, d’œufs et de fromages. Romain et Pauline habitent Paris et remplissent leur cabas de produits fermiers trouvés sur les marchés. Aussi se réjouissent-ils de l’arrivée d’une Amap dans leur quartier. «C’est tout à fait en phase avec notre philosophie de vie, explique Pauline. Nous faisons déjà partie d’un jardin partagé, qui nous a permis de nous rapprocher des gens du coin. Comme l’Amap, c’est un formidable vecteur de convivialité.»

Le jeune couple n’est pas marié, mais s’il passait à l’acte, sans doute opterait-il pour des noces faibles en CO2. La mariée serait en vert, en soie naturelle et gaze d’ananas, et déposerait une liste responsable (électroménager basse consommation, vaisselle en bambou, mobilier en carton…). Les faire-part seraient électroniques ou en papier recyclé, et le lieu de réception, une ferme bio ou un gîte rural. Le repas froid serait gourmand, mais pas énergivore, la nuit de noce réservée dans une cabane perchée et la lune de miel dans une roulotte poitevine ou une yourte bretonne… En tout cas à portée de train, le locaphile développant une allergie sévère à l’avion. Quant à la voiture, si son usage s’impose, elle roulera à l’huile de friture recyclée, comme le préconise l’association marseillaise Roule ma frite.

Lorsqu’il retournera à la terre, ce sera pour l’enrichir, pas la polluer. Il s’offrira une concession dans un cimetière vert – le seul en France est dans la région d’Angers, et les arbres y remplacent les stèles – et un cercueil biodégradable. Sa veuve aura le choix des larmes : en Angleterre, la mode est au carton ; en Espagne, au sac bactériologique mangeur de matière organique, à l’urne bio en sel qui fond dans l’eau ou à celle qui, une fois décomposée, développe un végétal. Les cendres chéries pourront enfin être transférées en Suisse, afin d’y être recyclées… en diamant !

Source : LeFigaro.fr